[EN] 74 Syrian refugees who have fleed from the Syrian war, after being abandoned at sea and arrested, are detained since more than 100 days in a police station in Egypt. They have began a hunger strike to protest against their detention, and resist since more than 20 days.
Détenus 100 jours dans un commissariat, des réfugiés entrent en grève de la faim
Des réfugiés syriens et palestiniens ayant fuit la guerre en Syrie sont détenus depuis plus de 100 jours dans un poste de police en Égypte dans des conditions inhumaines. Dans un dernier recourt pour obtenir leur libération, adultes et enfants sont entrés en grève de la faim.
La majorité des 74 réfugiés détenus au poste de police sont des réfugiés syriens et palestiniens de Syrie. Parmi eux, beaucoup ont quitté la Turquie à bord d’un bateau le 23 octobre dernier dans le dessein de rejoindre l’Europe. À la suite d’une dispute entre les passeurs, ils ont été abandonnés sur l’île de Nelson, au large de la côte d’Alexandrie où ils ont été arrêtés le 1er novembre. Le 5 novembre, le procureur général égyptien ordonnait leur libération, tandis que la sécurité nationale égyptienne, une agence du ministère de l’Intérieur, exigeait leur expulsion.
Depuis, les réfugiés sont détenus de façon arbitraire au poste de police de Karmooz depuis plus de cent jours. Parmi eux se trouvent des mineurs, dont sept âgés de moins de dix ans. L’un d’eux n’a que dix mois, rapporte un communiqué du Center for Refugee Solidarity, ONG suédoise qui documente la situation des réfugiés dans la zone MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord). Cinquante-deux d’entre eux sont entrés en grève de la faim pour protester contre leur détention. Ils résistent depuis maintenant vingt jours.
«Tous les dix jours, nous avons le droit d’aller une heure sur le toit de l’immeuble pour respirer l’air».
Abdullah, 22 ans, réfugié palestinien de Syrie, est l’un d’entre-eux:
“Je suis originaire du camp de Yarmouk. Je suis entré avec mon frère en Égypte le 18 septembre dernier avec un visa de touriste. J’ai essayé de rejoindre l’Europe à bord d’un bateau mais nous avons eu un accident à 200 km au large de la côte. Les gardes-côte égyptiens nous ont trouvé six jours plus tard. Nous n’avions plus rien à manger. Ils nous ont arrêtés, nous ont confisqué nos papiers d’identité et maintenus en détention. Nous sommes au commissariat de Karmooz depuis le 27 novembre dernier. Nous partageons l’espace avec le groupe de réfugiés qui a été arrêté sur l’île de Nelson. Nous dormons à même le sol. Les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre. Nous l’avons recouvert de couvertures.”
Il est difficile de partager cet espace. Beaucoup fument et l’air devient vite irrespirable. Certains désespèrent de ne pas voir notre situation évoluer. Et il est très dur de rester enfermés toute la journée. Tous les dix jours, nous avons le droit d’aller une heure sur le toit de l’immeuble pour respirer l’air. Ce n’est pas beaucoup, surtout pour les enfants. Ils ont besoin de se défouler. Ils devraient être à l’école. Les plus jeunes apprennent à marcher en prison. Ce n’est pas un lieu pour nous. Nous ne sommes pas des criminels. Nous aspirons seulement à une vie meilleure. Nous souhaitons aller en Europe. Nous ne voulons pas être réfugiés dans un pays arabe. Je suis réfugié palestinien en Syrie et maintenant que la Syrie est en guerre, j’ai dû quitter le pays. Je sais que c’est en Europe que j’aurai un avenir.
Les ONG et organismes des Nations-Unies qui travaillent sur notre dossier ne parviennent à aucun résultat pour l’instant. Nous avons décidé de nous mobiliser. Nous avons décidé de faire la grève de la faim. Nous avons crée une
page Facebook et accordons des interviews aux journalistes. J’espère que notre action pourra porter ses fruits. [Selon le Center for Refugee Solidarity, 20 réfugiés détenus au poste de police de Karmooz auraient décidé de susprendre leur grève de la faim, après avoir reçu des assurances du bureau HCR en Égypte qu’il s’efforcerait de trouver une solution à leur situation.
«L’accès ne nous est pas toujours autorisés. Tout dépend de l’humeur des policiers.»
Samer (pseudonyme), avocat, rend visite aux réfugiés au poste de police:
“Je leur ai rendu visite en novembre et en février. Leurs conditions de détention ne se sont pas améliorées depuis novembre dernier. Les salles d’eau où ils peuvent se laver sont sales. Ils sont fréquentés par tous les détenus. À cause du manque d’hygiène, certains ont contracté des infections et des maladies de peau.”
Certains réfugiés sont enfermés depuis 130 jours. Ils commencent à avoir des problèmes respiratoires, mais il n’y a pas de service médical à l’intérieur du commissariat. Les médecins ne peuvent leur rendre visite sans autorisation du ministère de la Santé. Et ils n’ont pas le droit de sortir pour consulter un médecin à l’extérieur. [Abdullah nous a cependant indiqué que quatre d’entre eux avaient été autorisés à quitter le commissariat pour consulter un médecin la semaine dernière.] Heureusement des volontaires leur apportent vivres et médicaments. Nous tentons d’offrir nos conseils légaux. Mais l’accès ne nous est pas toujours autorisé. Tout dépend de l’humeur des policiers au commissariat. En fait, ce qu’ils voudraient, c’est qu’on collecte l’argent nécessaire à leur expulsion. C’est ce que j’ai pu les entendre dire.Leur détention est illégale. Elle est en violation de la Constitution égyptienne et de la procédure pénale. Nul ne peut être maintenu en détention sans chef d’accusation. L’article 54 de la Constitution de 2014 prévoit qu’ils soient libérés dans les 24 heures si aucune charge n’est retenue contre eux. Il n’est pas possible d’entreprendre une action en justice car cette décision ne repose sur aucun document officiel. Lorsqu’on se tourne vers le procureur général, il nous renvoie vers la sécurité nationale. Chacun doit être capable de répondre de ses actes. La sécurité nationale, comme le procureur général. Ce dernier doit s’enquérir des conditions de détention des réfugiés. Cela fait partie de ses devoirs. Il n’en est rien.
«Ils ne peuvent prouver leur identité».
Muhammed Al-Kashef travaille pour l’
Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR). Il suit de près la situation des réfugiés à Karmooz:
“Nous avons appris que des enfants étaient également entrés en grève de la faim. Une grève de la faim symbolique. Ils ne mangent qu’un repas par jour. Nous sommes inquiets pour certains qui sont déjà dans un état de santé fragile.”
Les réfugiés ont peur de ce que leur réserve le futur. Plusieurs problèmes se posent à eux. Ils n’ont plus de papiers. Pour certains, leurs documents ont été avalés par la mer. Pour d’autres, ils ont été perdus pendant leur fuite de la Syrie. D’autres nous ont rapporté que les autorités égyptiennes les leur avaient confisqués lors de leur arrestation. Ils ne peuvent prouver leur identité. Nous faisons pression sur les autorités compétentes, notamment palestiniennes et syriennes pour qu’elles leur délivrent de nouveaux documents d’identité.
Le ministère de l’Intérieur est en droit de les expulser. Ils sont entrés illégalement sur le territoire national. Cependant, les autorités égyptiennes doivent d’abord négocier avec les autorités susceptibles de les accueillir. Les réfugiés syriens peuvent être accueillis dans plusieurs pays, notamment la Turquie, le Liban, l’Algérie, le Soudan, certains pays d’Amérique du Sud comme le Venezuela. La situation est en revanche encore plus grave pour les réfugiés palestiniens de Syrie. Des négociations étaient en cours entre l’Ambassade de Palestine en Égypte et la Turquie pour les accueillir, mais elles ont échoué. On ne peut les condamner à vivre dans la clandestinité en Égypte ou à retourner en Syrie. Une solution doit être trouvée.
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